La cassette, obsolète ? Rien n’est moins sûr. Il y a la nostalgie, mais pas que. En 2020, ses ventes ont explosé de plus de 90 % au Royaume-Uni.
De son vivant, les cassettes ont révolutionné les habitudes en matière d’écoute de musique, jusqu’alors limitée au disque vinyle, beaucoup moins maniable. Soudain, grâce aux autoradios et au légendaire baladeur Sony, il est devenu possible d’écouter de la musique de façon individuelle ailleurs qu’à la maison. En outre, le fait de pouvoir réenregistrer plusieurs fois sur le même support a permis aux amateurs de musique de créer et faire circuler leurs propres compilations. À l’apogée de sa popularité en 1989, la cassette se vendait à 83 millions d’exemplaires par an rien qu’au Royaume-Uni.
Bien que détrônée par la suite, d’abord par le CD puis par les fichiers numériques (MP3 et MP4), la cassette conserve une place particulière dans l’histoire de la technologie audio, les compilations étant les ancêtres des playlists et le baladeur, le précurseur de l’iPod. De plus, bien que jugée esthétiquement et matériellement inférieure au disque vinyle, inventé avant elle, la cassette audio connaît une forme de résurgence. Pour des raisons sentimentales, mais aussi parce qu’avec l’annulation des concerts elle permet aux artistes les moins connus de tirer des revenus de leur travail. Dans un contexte de pandémie, qui a fait d’immenses dégâts dans l’industrie musicale, 2020 pourrait être qualifiée d’« année de la cassette ». Selon les chiffres de la British Phonographic Industry (l’association interprofessionnelle de l’industrie britannique du disque), 156 542 cassettes ont été vendues l’an passé au Royaume-Uni, un record depuis 2003, soit une augmentation de 94,7 % par rapport à 2019. Sans crier gare, des icônes internationales de la pop comme Lady Gaga, les 1975 et Dua Lipa se sont mises à sortir leurs derniers titres sur cassette… et elles se vendent comme des petits pains. Pour celles et ceux d’entre nous qui sont assez âgés pour avoir connu la cassette quand elle était un support musical courant, cette résurgence peut sembler étonnante. Après tout, même dans leurs jours de gloire, les cassettes ont toujours été le support du pauvre. Elles n’avaient pas l’attrait esthétique ni le côté romantique du disque vinyle dans sa pochette. Plus tard, elles ont souffert de la comparaison avec la facilité d’utilisation, l’éclat et la qualité sonore du CD. Et il n’existe aucun amateur de musique de plus de 35 ans qui n’a pas une affreuse anecdote à raconter sur son album ou sa compil préférés, avalés et recrachés les entrailles à l’air par un autoradio de voiture ou un lecteur portable capricieux.